Ce lundi, les analystes diront que 25% des voix pour le FN aux élections européennes, c'est énorme. J'aurais personnellement souhaité que ce fût moins, mais c'est ainsi, le peuple s'est exprimé. Et à ce propos, ceux qui se croient obligés de dire qu'il s'agit "d'un jour sombre pour la démocratie" se trompent. Même s'il nous déplait, ce vote est certainement démocratique.
Au risque de nager à contre-courant, je pense que ce score est finalement assez faible. Voici pourquoi :
1. les partis au pouvoir en France ces dernières années ont montré un visage pathétique. Inconsistance politique du parti socialiste, incurie du gouvernement Ayrault d'un côté, misérable guerre des cheffaillons et troubles affaires financières à l'UMP de l'autre côté.
Il est facile au FN de surfer sur cette vague de ratage généralisé, d'autant plus qu'il n'exerce pour l'instant que le ministère de la Parole Facile et n'est pas vraiment jugé sur son programme économique pourtant absurde, notamment la sortie de l'Euro et la restauration des frontières nationales.
2. les gouvernements français successifs et européens en général ont pris l'habitude de se dédouaner de tous leurs échecs et des aléas de la crise sur le dos de Bruxelles. Il est impossible de faire partager et apprécier les succès européens qui sont nombreux et remarquables lorsqu'on passe onze mois sur douze à critiquer les "bureaucrates non élus de Bruxelles".
Les électeurs ont en bonne partie voulu sanctionner les faiblesses de leurs dirigeants nationaux lors d'une élection qu'ils considèrent (et que la presse continue de décrire) comme peu importante pour leur avenir immédiat et leur vie quotidienne. Le paradoxe est que jamais une élection européenne n'a été si démocratique ni n'aura eu autant d'impact sur la future Commission européenne. Jamais un Parlement européen n'aura eu autant de pouvoir que celui qui est désigné ce jour.
3. la mondialisation économique en marche, le village global crée par internet et le bouleversement des équilibres géopolitiques qui s'annonce autour de la Vieille Europe désorientent une grande partie des citoyens. Le repli présenté comme possible par les populistes de tous bords devient soudain synonyme de sécurité pour l'électeur moyen. Un nouveau cocooning.
4. la critique est toujours plus facile que l'exercice du pouvoir.
5. personne n'a su présenter l'aventure de l'Union européenne sous un jour positif. Jacques Delors est probablement le dernier à avoir eu l'épaisseur politique et humaine suffisante pour l'incarner en France.
6. le FN a certainement réussi une véritable mue de son personnel politique, diluant le petit noyau rance de vieux fascistes "historiques" dans une nouvelle masse de néo-conservateurs plutôt xénophobes, islamophobes, isolationnistes et cyniques. Plus jeunes et présentables, ses cadres ont appris à marteler un message simple, voire simpliste, sans paraître douter jamais.
Poussé par toutes ces circonstances favorables, le score du FN, qui marque les esprits et les statistiques électorales, n'est au fond pas si important. J'en veux pour preuve qu'interrogés sur la substance des questions européennes, la majorité des électeurs français ne veulent ni sortir de l'Union, ni quitter l'Euro.
Cette vague brune n'est rien d'autre que les restes d'un festin toujours trop frugale pour les pouvoirs sans âme.
Serge Houssard
Petites réflexions:
En soi, ce résultat n’est pas un gros problème, d’autant que ce qui compte c’est la composition du Parlement européen dans son ensemble et les souverainistes y restent largement minoritaires, comme ils le sont en France d’ailleurs : plus de 63% des Français qui ont voté l’ont fait pour des partis pro-européens, ce qui constitue une majorité très claire.
En parlant de « Victoire », on accorde au FN nettement plus d’importance qu’il n’en a. Son avancée ne doit pas pour autant être traitée à la légère. Au contraire, elle doit servir de base à un redéploiement de l’idée européenne. Pour davantage de démocratie, pour rapprocher les décisions des gens dans tous les domaines ou c’est possible et pour renforcer l’Europe au contraire dans tous les domaines où cela fait sens. En matière de politique étrangère et militaire notamment.
Les politiques devraient plutôt s'inquiéter des plus de 60% d’abstentionnistes et se demander si il ne serait pas temps de mettre un peu d'éthique au sein de leur partis ... Les français penseraient- ils que de toute façon cette élite ne travaille que pour elle et les méprise ??
Certains jeunes ne se rendent pas compte de ce qu'ils font en votant FN... c'est déjà grave... mais que des personnes plus âgées qui ont, sans doute, une certaine connaissance de l'Histoire soutiennent l'extrême-droite, me semble incompréhensible même si je trouve, comme beaucoup de français, que nos dirigeants politiques sont assez minables et très décevants...