Des années qu’elle nargue le centre-ville de toute sa décrépitude. Mais ça ne devrait plus durer : la friche de l’ancienne Sécurité sociale, rue Herriot, à Béthune, est entre les mains d’un promoteur. Elle devrait se transformer en appartements hauts de gamme, et garder sa façade. Son nom est évocateur : Ardéko...
Du bâtiment actuel, seule la façade sera consolidée et préservée. Les appartements se répartiront sur six étages.
1. Une verrue près du beffroi
Des tags plus ou moins poétiques qui habillent ses portes, des arbres qui poussent entre ses briques... L’ex-sécu, entre autres vocations (lire ci-dessous), a mal vieilli. Voilà bien dix ans que son ancien propriétaire tentait de la reconvertir en logements, mais entre changements de municipalités et exigences des Bâtiments de France, la barque ne s’était guère éloignée du bord.
2. L’entrée en jeu de European Homes
Arnaud Hu, du cabinet béthunois 2H Architecture, lui, y travaille depuis un an et demi. Pas simple, en particulier parce qu’il fallait préserver la belle hauteur sous plafond tout en créant assez d’appartements pour atteindre un seuil de rentabilité réaliste. Ce qui a changé, c’est que European Homes est entré en jeu, belle rencontre entre le promoteur-constructeur, le propriétaire du lieu, Joël Duquenne, et la mairie pas mécontente de se débarrasser d’une friche aussi imposante. Une opportunité aussi pour un groupe français connu sur le territoire depuis 1973, « et depuis 20 ans la région Nord », précise Hélène Dewyn, chargée de développement.
3. Pourquoi Béthune ?
Béthune, European Homes connaît pour y avoir bâti le Clos de l’Artois, rue d’Aire. « Béthune a un vrai potentiel, c’est une ville riche par son architecture, son activité... » Mais l’ancienne Sécu, c’est autre chose : un programme neuf, certes, conforme aux habitudes du promoteur, mais sur une base existante. « Nous allons garder la façade Art-déco et abattre derrière. Mais les parties communes rappelleront le passé. »
4. Convaincre les Bâtiments de France
C’était ça, le plus compliqué, mais « nous avons su travailler ensemble, comme un orchestre, jusqu’à ce que tout sonne juste. L’ABF voulait que nous gardions la façade et nous étions d’accord. » Et puis il y a le côté technique, pas évident, d’un chantier en centre-ville. « Nous devons consolider la façade et installer la base de vie à côté. »
5. Le projet en résumé
L’architecte a imaginé six étages, dont un panoramique (imaginez la vue) et 34 appartements (résidence principale ou défiscalisation), du studio au T4, en duplex aux 5e et 6e étages. Les plafonds font jusqu’à 3 m, avec possibilité de mezzanines. Le prix oscillera entre 2 800 et 3 000 € du m2, conforme à la moyenne béthunoise pour un appartement neuf nous précise un notaire (2 500 €-2 900 €). Alors, chez European Homes, on est optimistes : « Nous recevons des demandes, l’architecte aussi. » Notamment de Béthunois qui revendraient bien leur grande maison difficile à entretenir contre un appartement douillet. Aucune vente n’est conclue à ce jour.
6. Le calendrier
Le permis de construire suit son cours. Pour lancer les travaux, il faut vendre 40 % des appartements sur plans. La commercialisation débute cette semaine. Premières livraisons espérées fin 2018.
La petite histoire de la friche
L’histoire récente retient que le bâtiment a hébergé la Sécurité sociale, transférée ici en 1965, et aussi le Centre de danse et de chorégraphie. Mais une date reste gravée sur la façade : 1928, quand l’architecte René Évrard a offert des murs à la justice de paix ou aux cours municipaux (musique, solfège, compta, sténo-dactylo...).
La IIe Guerre mondiale aussi a marqué l’endroit, et pas que pour l’organisation du ravitaillement dès 1944, suite aux bombardements du quartier des Cheminots. Le groupe scolaire Buisson avait été détruit mais dès le 2 octobre, grâce aux mesures prises par le maire Anselme Beuvry, les cours avaient repris pour les garçons dans la rue Herriot, les demoiselles étant accueillies au collège de jeunes filles.
Par ISABELLE MASTIN pour la Voix du Nord